Une pépinière de roses, chez Francia Thauvin : la suite!



En résumé de l’article précédent, (clic sur le lien pour lire le début du reportage) les porte-greffes réceptionnés au mois de février sont tout d’abord « épluchés » pour obtenir un collet haut puis « bousés » avant d’être plantés au mois de mars.
On les laisse alors pousser tranquillement jusqu’au mois de juillet. C’est à ce moment-là que Flora et Christelle vont greffer…

La veille, on prélève dans le champ de roses des tiges de l’année ayant fleuri sur les rosiers que l’on veut multiplier. 

Les feuilles sont coupées au sécateur au niveau du pétiole


Puis, on ôte les parties molles des tiges y compris les fleurs. On effeuille en laissant toutefois la base des feuilles et on enlève les épines.

Francia ôte les épines à l'aide de gants bien épais

Enfin les tiges d’une même variété sont enfermées dans des sacs plastiques, étiquetées et mises au frais.

Un petit rafraichissement...

... avant emballage et étiquetage.

Cette étape de préparation est importante car le catalogue de la pépinière affiche environ 630 variétés de rosiers et bien plus encore. En ajoutant celles qui sont en trop petit nombre et qui de ce fait ne peuvent figurer au catalogue mais sont vendues à la pépinière, on doit bien friser le millier. Dont des variétés anciennes introuvables, Francia étant passionnée de roses anciennes, en particulier les obtentions orléanaises pour lesquelles elle a beaucoup œuvré afin de les remettre en culture. Elle a également un choix important de rosiers botaniques.

Vue de la poubelle... ça me fait mal au cœur non?

En plein champ, les filles vont greffer en écusson (appelée aussi greffe en T) sur la partie de la racine qui dépasse de la terre et qu’on nomme le collet.

En juillet les porte-greffes ont bien poussé

Pour cela, sur une des tiges préparées la veille et conservées dans des sachets, on prélève un œil, c’est-à-dire un bourgeon, avec le greffoir.

Les tiges préparées par Francia et conservées au frais sont ressorties pour le greffage

Le greffon c'est ça : un minuscule bourgeon !

Puis on ôte le bois qui se trouve sous le bourgeon en le faisant rouler sur le doigt.

Prélèvement d'un bourgeon à l'aide du greffoir

On pose le pied sur le feuillage du porte-greffe pour bien le maintenir au sol et dégager sa base. On gratte l’endroit du collet où l’on va procéder à la greffe avec le dos du greffoir.

Le collet est gratté c'est la partie qui apparaît en marron clair

On incise l’écorce de bas en haut puis sur le haut de l’incision de droite à gauche. On décolle l’écorce.

Décollage de l'écorce

On glisse l’œil et on le fait descendre délicatement dans la fente à l’aide de la spatule du greffoir.

Le greffon est délicatement descendu dans la fente

Zoom sur le greffon inséré dans le porte greffe 

Enfin on emballe la greffe avec une sorte de cellophane biodégradable qui a remplacé le raphia utilisé autrefois.

Emballage de la greffe avec le cellophane biodégradable

On passe ensuite au rosier suivant… Les rangs semblent interminables, toujours courbées, les filles répètent leurs gestes avec précision et rapidité.

L'outil indispensable pour greffer : le greffoir. Un coté canif et une spatule à l'autre bout

Les rosiers que nous plantons sont donc issus d’un seul minuscule bourgeon, sauf les rosiers tiges qui sont greffés sur les branches hautes et nécessitent quatre greffages. D’où leur coût plus élevé.
La période de greffage des canina est très courte : du 15 juillet au 15 août et est contraignante car il n’est pas possible de greffer par temps de pluie. Si de l’eau s’insinue entre le bourgeon et le porte-greffe, la greffe ne prend pas car les moisissures s’y développent. Les meilleurs taux de réussite sont obtenus en pleine chaleur. Depuis, j’ai toujours une pensée pour elles lorsqu’il faut très chaud, à cette période, en me disant qu’elles sont dehors sous un soleil de plomb, à greffer sans relâche.

Un champ entier à greffer dans cette position...

Eté, automne puis hiver se passent sans qu’on ait besoin de s’occuper des rosiers greffés. Mais dès septembre la nouvelle pousse provenant du greffon est visible.

Bien rouge, à droite, la nouvelle pousse issue de la greffe tranche par rapport au feuillage vert du porte-greffe.

C’est en février et mars de l’année suivante qu’une nouvelle opération est effectuée.

Un rang avant rabattage.

Il s’agit du « rabattage ». A l’aide d’une force (un gros sécateur) on étête le porte-greffe juste au-dessus de la greffe, éliminant ce qu’il restait du feuillage du porte-greffe. C’est la cicatrice issue du rabattage qui donne ce cercle se trouvant à la base de chaque rosier que vous plantez….


Flora rabattant les rosiers, à droite les rangs déjà faits, à gauche ce qu'il reste à faire.

Le rosier après rabattage ici la partie greffée est juste un petit bourgeon,
il faut avoir l’œil!
Le dessus donnera le cercle que vous trouvez sur vos rosiers.

Puis, pour que les rosiers se ramifient et s’étoffent on réalise trois à quatre pincements entre fin avril et fin mai. Ils fleurissent une première fois, en juin, et les champs de Francia et Flora se couvrent de couleurs. Les greffes sont encore fragiles et peuvent encore casser car les tiges ont trop poussé et abondamment fleuri. De fortes bourrasques de vent peuvent à cette période casser la greffe à la base et la décoller du porte-greffe. Les rosiers galliques notamment y sont sujets plus que les autres.

Malheureusement le vent a cassé la tige encore fragile de ce rosier
dont la greffe avait pourtant bien fonctionné.

C’est l’été et on arrose. Les rosiers grandissent et les mauvaises herbes aussi, fin août il faut désherber. Francia et Flora n’utilisent aucun produit chimique. Le désherbage est fait au tracteur entre les rangs et à la binette (eh oui !) entre les rosiers.


Les rosiers grimpants et lianes ont besoin eux d’une opération supplémentaire car leurs tiges poussent démesurément et courent sur le sol. Il faut donc en plus pour éviter qu’elles ne s’abîment rattacher ces branches autour d’un piquet de bambou. C’est ce qui explique le prix généralement plus élevé des grimpants par rapport aux rosiers buissons.

Rang de rosiers lianes ou grimpants
avant qu'il soient rattachés sur les piquets en bambou.

Pendant tout ce cycle en pépinière aucun engrais chimique n’est utilisé, le sol est fertilisé par une fumure à base de fientes d’oiseaux, juste après la plantation des porte-greffes, puis après greffage et enfin au début du printemps suivant. Une pulvérisation à base d’extrait de plantes notamment de la prêle, de l’ortie et de la fougère est effectuée ainsi  qu’un traitement à la bouillie bordelaise avant arrachage. Si besoin, en fonction de la météo, des traitements curatifs ponctuels à base de soufre contre l’oïdium, de bouille bordelaise contre le marsonia et de savon noir en cas d’attaque massive de pucerons peuvent être réalisés.


A partir de la mi-octobre commence l’arrachage et la préparation des commandes dans le hangar, au froid.

Préparation des rosiers pour expédition par Flora.

Cela durera jusqu’à la mi-mars environ où les rosiers restants seront arrachés pour être mis en pots et proposés à la pépinière ou aux fêtes des plantes.

La serre au mois de mars avec au premier plan les rosiers tiges

Mais déjà les porte-greffes de la saison suivante ont été plantés, un nouveau cycle commence…
Voici donc l’histoire de votre rosier avant qu’il arrive chez vous. Comment il a été élevé, choyé par deux pépiniéristes atypiques et attachantes. Francia et Flora sont deux femmes respectées dans ce milieu d’hommes qu’est celui des pépinières.

Je voulais par cet article mettre en lumière leur travail semblable à celui des petites mains des ateliers de haute couture, précis, minutieux, rigoureux et si éprouvant physiquement.
 Je les remercie  infiniment de la confiance qu’elles m’ont accordée, de la patience dont elles ont fait preuve à mon égard, de leur disponibilité et de leur savoir qu’elles acceptent de partager sans restriction. 

Un des clichés les plus difficiles : Flora qui accepte enfin de poser!

Je termine là mon récit et j’espère que dorénavant vous regarderez différemment votre rosier en pensant à celles et ceux qui y ont mis tant d’amour et de fierté.

Lien vers le site internet de la pépinière Francia Thauvin

Commentaires

  1. Cette 2ème partie était tout aussi passionnante que la 1ère, merci.
    On comprend mieux le prix de nos rosiers et cela fait réfléchir...
    Cet outil, le greffoir, me plait et, je ne sais pas pourquoi, m'émeut un peu aussi.
    Bon dimanche,
    Aude.

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    1. Bonsoir Aude,
      Moi aussi ce greffoir m'émeut, c'est un bel objet patiné par l'usage. Les voir s'en servir est fascinant.
      Bonne semaine

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  2. magnifique reportage, quel beau travail, bravo à vous

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    1. Bonsoir,
      Merci à Francia et Flora surtout, la passion et la rigueur les guident.
      Bonne soirée

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  3. C'est un travail avec des gestes précis, il faut un savoir-faire particulier qui vaut parfaitement le prix de nos rosiers achetés à la pépinière qui reste beaucoup plus intéressant que dans les jardineries ou certaines autres pépinières. Bonne soirée !

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    1. Bonsoir Lulu,
      Pour avoir essayé de greffer lors du cours de greffage il y a 3 ans, j'en ai bien mesuré toute la technicité. Pourtant à les regarder tout parait simple et fluide. Mon essai par contre a été lent et laborieux.
      Je suis heureuse que tu mettes en parallèle leur travail et les prix des rosiers à la pépinière qui effectivement sont très intéressants.
      Bonne soirée

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  4. Le travail des petites mains de la Haute Couture, quelle belle comparaison. Oui, c'est vraiment un travail d'orfèvre. Ton reportage fut passionnant.
    Bises Béné

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    1. Bonsoir Alix,
      Merci, ça me va droit au cœur.
      Le mot orfèvre leur va également très bien tant leur travail est précis et minutieux.
      Bises

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  5. Si je ne suis pas fan des rosiers en général, en revanche je suis plus que fan et si respectueuse du travail artisanal ...qui est le propre de tous les pépiniéristes passionnés et passionnants quelque soit leur spécialité végétale. Je te remercie donc de ce si bel article particulièrement précis qui montre pas à pas, dans le chaud, dans le froid, les étapes qui permettront aux dingues de roses de pouvoir se pâmer devant elles... je plaide autant que je peux pour que soit protégé le travail de tous ces artisans du végétal qui par les temps qui courent n'ont pas la partie facile ... belle semaine

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    1. Bonsoir Hélène,
      Je suis dans la même vision des choses que toi.
      Cet article avait pour but de témoigner de leur travail et d'expliquer à ceux et celles qui le lisent combien c'est difficile. Travailler le végétal est chose complexe. Francia et Flora le font avec passion.
      Bises

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  6. Emouvant sans aucun doute .Passionnant dans ta façon de l'écrire .Comment ne pas être admirative de tout ce travail si astreignant et épuisant !Je ne savais pas qu'on pouvait acheter directement sur place des rosiers anciens et botaniques non proposés à la vente sur catalogue .Intéressant! Belle semaine Bénédicte et merci pour cet excellent article.

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    1. Coucou Maryse,
      Si, si on peux aller à la pépinière acheter sur place des rosiers et également des vivaces et des arbustes.
      Si tu viens vers Orléans je serais ravie de t'y amener...
      Bises

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  7. Ouille ! J'ai mal au dos pour elles !
    Ces femmes sont plus que respectables. Voilà qui fait réfléchir sur notre façon de consommer. Je penserai à elles à chaque fois que je ferai l'acquisition d'un nouveau rosier.

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    1. Bonjour Estelle,
      Franchement je pense à elles quand il fait super chaud entre le 15 juillet et le 15 août et que je sais qu'elles sont dehors en pleine chaleur.

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  8. Super ce reportage,aussi bien que le premier.grâce à toi je vais regarder les rosiers de Francia Thauvin avec un oeil nouveau.

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    1. Bonsoir,
      Avec tendresse et respect pour tout le temps qu'elles y ont passé; j'en suis sûre...
      Bonne soirée

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  9. Deux reportages absolument passionnants! C'est vraiment intéressant de suivre pas à pas leur travail que tu racontes si bien! C'est un travail passionnant mais difficile. Je suis admirative! Rien que les voir ainsi penchées sur leur greffons, ça me casse le dos en 2!

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    1. Coucou Malo,
      Ravie que tu ais aimé.
      Soupçonnais-tu un tel travail?
      Franchement pour le greffage je ne sais pas comment elles font, pourtant lorsqu'on discute avec elles, elles ne se plaignent jamais...
      Bises

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  10. Toutes mes félicitations pour ce superbe reportage !
    Mais ces deux personnes pour qui j'ai énormément de respect, méritaient bien ça.

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    1. Bonsoir Isabelle,
      Le but de ce reportage était de montrer qu'on rosier n'est pas un produit de consommation courante et que derrière ce rosier acheté il y a deux femmes qui y ont mis toute leur passion et beaucoup de travail.
      Alors oui : respect...

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  11. Vraiment merci pour cet éclairage passionnant sur la culture de ces rosiers que nous aimons tant.Grâce à toi nous pouvons mesurer le travail qui permet de les amener jusqu'à nos jardins. J'ai toujours un infini respect pour les artisans et j'admire leur savoir-faire. Bonne semaine. Bises

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    1. Coucou Florence,
      Désolée de te répondre aussi tardivement.
      Lorsque j'ai commencée à suivre Francia et Flora je n'imaginais pas l'ampleur de leur travail.
      Bises

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  12. La deuxième partie de ton reportage est riche d'information sur le travail que représente ce métier de pépiniériste-rosiériste. Merci pour cet hommage aux talentueuses femmes que sont Francia et Flora.

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    1. Salut Patrick,
      J'ai vraiment beaucoup appris à les suivre.
      Bises

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  13. Bravo pour ce reportage ,je savais que c’etait Un travail de titan mais là j’en suis admirative .
    J’ai mal au dos rien que de regarder ,comment y arrivez vous car moi je dois jardiner à genoux tant Mon dos me fais souffrir .
    Je suis une grande fan de rosiers et je viens de faire votre découverte grâce à Malo .
    À très bientôt

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    1. Bonjour Maryse,
      Ravie de rencontrer une rosomane grâce à l'adorable Malo.
      Bises

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  14. Amoureux invétéré des roses, elles sont vraiment magnifiques...

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    1. Bonsoir,
      et si vous ne la connaissiez pas déjà, une super pépinière!

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  15. Merci beaucoup pour ce reportage absolument passionnant. J'ai trouvé par hasard vos articles en me renseignant sur les porte-greffes. Venant d'une région au sol terriblement calcaire (causses), ce n'est même pas la peine d'essayer des rosiers sans le bon PG.
    Je partage complètement votre admiration pour le travail de ces femmes, pour la beauté de leurs gestes. Et en plus j'ai découvert ici une pépinière avec un catalogue fabuleux !!

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